Rhigyfarch de Llanbadarn :
- La vie de Saint David
(date : 1090, langue : latin, titre original : Vita Dauidis)
Alors qu’il envisage de s’installer à Rosina Vallis, au Pays de Galles, St Patrick rencontre un ange qui lui dit que ce lieu est réservé à quelqu’un qui naîtra 30 ans plus tard, et l’invite à s’installer en Irlande. Ce quelqu’un est St David, ou Dewi, conçu en région de Dyfed lors du viol d’une certaine Nonita par Sanctus, roi du Ceredigion. Plus tard, alors que celle-ci est enceinte, un homme se retrouve dans l’incapacité de prêcher en sa présence, ce qui annonce l’incroyable destinée de son futur enfant. À la naissance de Dewi, celui-ci est baptisé et un aveugle se met à voir pour la première fois lors de ce baptême, tandis qu’une source se met à jaillir. Dewi rencontre ensuite Paulinus, disciple de Germanus (Germain l’Auxerrois). Menant une vie sainte, Dewi établit des monastères dans de nombreuses villes telles que Glastonbury ou Bath et devient le mentor de nombreux disciples tels qu’Aidan ou Eliud (Teilo). Un jour, un abbé nommé Barre emprunte le cheval de Dewi, avec lequel il s’engage sur les flots jusqu’à atteindre un monstre marin sur le dos duquel St Brendan s’est installé. Plus tard, Dewi se rend avec Eliud et Paternus (Paterne) à Jerusalem, où lui sont offerts un autel, une cloche, une tunique dorée et un bâton, dons qui lui sont apportés dans son monastère par des anges après son retour. Peu après, un synode est organisé en un lieu nommé Brevi pour lutter contre l’hérésie pélagienne autrefois combattue par Germanus. Mais les participants n’arrivent pas à communiquer de par leur nombre. Paulinus suggère alors de convier Dewi au synode, et Daniel et Dubricius (Dubrice) parviendront à le faire venir à Brevi. Après avoir ressuscité un mort en chemin, il y prêchera à son tour, faisant se soulever la terre pour former une colline d’où les participants pourront l’entendre, ce qui permettra de mettre fin à l’hérésie, et fera de lui l’archevêque de tous les Bretons. Après cette vie faite de miracles et au cours de laquelle il sera à plusieurs reprises représenté en compagnie d’une colombe, Dewi mourra à l’âge de 147 ans.
Source(s):
Rhigyfarch's Life of St. David: the basic mid twelfth-century Latin text with introduction, critical apparatus and translation, Rhygyfarch (J.W. Jame), Cardiff, University of Wales Press, 1967, ISBN 10 : 0708300723 / ISBN 13 : 9780708300725
Statue de Saint David
dans la cathédrale de Saint David’s
Puits de Sainte Nonne d’où, d’après la légende, jaillit une source la nuit de la naissance de Saint David
André de Coutances :
- Le Roman des Français
(date : XIIe siècle, langue : ancien français, en vers, titre original : Li Romanz des Franceis)
Dans ce court récit, André de Coutances réplique de manière virulente à ce qu’il considère comme une attaque des Français envers les Anglais. Il reproche en effet aux Français de s’être moqués d’Arflet (le roi Alfred) et du roi Arthur, dont ils affirment qu’il a été tué par le chat Capalu (animal mentionné dans la Triade galloise no 26 et le poème Pa Gwr), qui aurait ensuite pris le contrôle de l’Angleterre. Les accusant de mensonge, il leur rappelle que le roi Arthur les a facilement conquis, après avoir notamment tué leur roi Frollo en combat singulier sur l’île de la Cité à Paris (événement relaté dans l’Histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth). L’auteur n’hésite pas à caricaturer ce combat : après avoir, dans un discours, invité son peuple à se montrer cruel et avare parmi d’autres vices, Frollo se montre particulièrement lâche face à Arthur, monté sur son destrier Labagu. Changeant de registre, André de Coutances raille ensuite les habitudes culinaires des Français, critiquant à la fois leur comportement à table et la qualité de leurs mets.
Source(s):
Le Roman des Franceis (Arflet),
Auteur anonyme :
- La Folie de Suibhne
(date : entre 1200 et 1500, langue : moyen irlandais tardif, titre original : Buile Suibhne), probablement issu d’une source commune aux légendes de Myrddin Wyllt et de Lailoken
Suibhne était roi de la province de Dal Araidhe en Ulster. Un jour on vient lui rapporter qu’un certain Ronan Finn est en train de délimiter un terrain pour l’Eglise sur ses terres. Guerrier très colérique, Suibhne moleste Ronan qui reste sous le choc. Peu de temps après, Suibhne doit se rendre à la bataille de Mag Roth opposant différents souverains locaux. Alors que quelques hommes d’église menés par Ronan aspergent les guerriers d’eau bénite, Suibhne courroucé par ce geste tue violemment l’un d’entre eux. Ronan lui lance alors une malédiction dont il ne se remettra jamais : il mènera désormais une vie de sauvage, et périra d’une mort violente. Devenu fou, Suibhne devient Suibhne "Geilt". Abandonnant la bataille, il part vivre dans la rudesse de la nature, se déplaçant de lieu en lieu en faisant d’immenses bonds qui peuvent même l’amener parfois jusque dans les nuages. Parfois, il rend visite à son épouse Eorann qui s’est remariée. Il finit par être capturé et emprisonné chez son frère de lait, Loingsechan. Plus tard libéré par une sorcière, il reprend ses "vols" pour se rendre sur l’île de Bretagne où il fait la connaissance d’un autre fou, Alladhan, qu’il accompagne pendant un an jusqu’à ce que celui-ci se noie dans une cascade. Puis après avoir été molesté par plusieurs hommes d’église, Suibhne est finalement accueilli à bras ouverts par Saint Moling dans son monastère. Saint Moling demande alors à Suibhne de lui rendre visite chaque jour afin de mettre par écrit l’histoire de sa vie. La femme du porcher de Saint Moling nourrit alors quotidiennement Suibhne en lui versant du lait dans une bouse de vache. Quelques temps après Suibhne est accusé à tort d’adultère avec cette femme, et le porcher le transperce d’une arme de jet alors qu’il est allongé au sol en train de manger. Suibhne est alors enterré au monastère de Moling (Teach Moling, St Mullins aujourd’hui).
De très nombreux éléments semblent indiscutablement lier les légendes de l’irlandais Suibhne Geilt, du gallois Myrddin Wyllt (Merlin) et de l’écossais Lailoken, notamment avec le motif du roi guerrier devenu fou. Le thème du roi qui perd son royaume, puis sa femme, ainsi que le thème de l’emprisonnement chez un parent proche se retrouvent dans La vie de Merlin de Geoffroy de Monmouth. De plus, s’il n’est pas présenté particulièrement comme un devin, Suibhne semble tout de même connaître les circonstances de sa future mort. Saint Moling paraît quant à lui jouer le rôle de Blaise, qui met par écrit la légende de Merlin dans le Merlin de Robert de Boron. Suibhne semble avoir vécu au VIIe siècle, parce qu’il est contemporain de Saint Moling. Moling qui lui-même, lors de sa première rencontre avec Suibhne, est en train de lire un psautier de Saint Kevin, moine irlandais du VIe et début du VIIe siècle.
Source(s):
Le devin maudit. Merlin, Lailoken, Suibhne (textes et études), (P. Walter), Ellug, 2000, ISBN 10 : 2843100186 / ISBN 13 : 9782843100185
Le monastère de St Mullins, Irlande
Auteur anonyme :
- Ponthus et Sidoine
(date : 1390-1425, langue : ancien français)
En ce temps-là, le sultan de Constantinople a trois fils, qu’il encourage à partir à la conquête de nouvelles terres. Le premier fils attaque la Galice, tue son roi et soumet le peuple à un tribut. Le fils du roi, Ponthus, son cousin Polidès et douze autres enfants sont alors sauvés par un certain Patrice et envoyés en Bretagne continentale. Ponthus et Sidoine, la fille du roi de Bretagne, tombent amoureux peu de temps après. Parmi les quatorze enfants de Galice, un certain Guenelet se révèle être très perfide et répand la rumeur que Ponthus veut du mal à Sidoine. Déshonoré, Ponthus se retire dans la forêt de Brocéliande et, sous l’identité d’un chevalier inconnu, il se place sous un arbre à deux pas de la fontaine de Barenton et invite tous les meilleurs chevaliers du monde connu à l’affronter, un chaque semaine, pendant un an. Versant rituellement de l’eau sur une pierre au bord de la fontaine, il déclenche ainsi de courtes tempêtes avant chaque combat. Il défait ses cinquante-deux adversaires et les envoie un par un se présenter, vaincus, à Sidoine. Puis il finit par révéler son identité et retourne auprès d’elle. Le second fils du sultan vient alors attaquer la Bretagne et Ponthus mène les Bretons et leurs alliés à la victoire. Mais suite à de nouvelles mauvaises paroles du traître Guenelet, Ponthus est à nouveau mené à s’exiler et part pour l’Angleterre. Là-bas, la princesse Genèvre espère se marier avec lui, mais Ponthus décline, fidèle à Sidoine. Après plusieurs années passées en Angleterre où il mène une guerre contre le troisième fils du sultan qui essaie en vain d’envahir l’île, il revient en Bretagne. De là, il prépare une gigantesque armée pour reprendre la Galice qu’il a quitté enfant. Aidé par Patrice et par son oncle le comte d’Esture, le père de Polidès, il parvient à libérer le pays de son tribut. En l’absence de Ponthus, Guenelet, resté auprès du roi de Bretagne, essaie d’épouser Sidoine de force. Il s’agit ici de sa dernière perfidie, car Ponthus revient et le décapite. Ponthus épouse finalement Sidoine et incite son cousin Polidès à se marier avec Genèvre. Plusieurs années plus tard, les deux cousins deviendront ainsi roi de Bretagne et d’Angleterre.
Source(s):
Récits d’Amour et de chevalerie - XIIe - XVe siècle, (D. Régnier-Bohler, Laffont, 2000, ISBN 10 : 2221072081 / ISBN 13 : 9782221072080
William Shakespeare :
- King Lear (1603-1606)
Inspirée de la vie du roi Leir de l’Histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth, cette pièce de théâtre met en scène le roi celte Lear. Un jour, décidant de partager son royaume entre ses trois filles, il leur demande à chacune à quel point elles l’aiment, afin de décider, en fonction de leurs réponses respectives, comment répartir son héritage entre elles. Les deux premières, Regan et Goneril, usent de flatteries pour enchanter leur père tandis que la troisième, Cordelia, affirme n’aimer Lear que comme un père, ni plus ni moins. Outré, Lear la déshérite et accorde ses terres à Goneril et son mari le duc d’Albanie, ainsi qu’à Regan et son mari le duc de Cornouailles. Cordelia quant à elle part vivre en France avec son mari le roi de France. Rapidement, Goneril et Regan se mettront à maltraiter leur père, ce qui le conduira à perdre la raison. A ces nouvelles, Cordelia débarquera avec son armée à Douvres pour venir à la rescousse de Lear. A travers de nombreuses péripéties, Lear sera conduit par ses amis le comte de Kent, le comte de Gloucester et son fils Edgar jusqu’à Cordelia avant que l’armée anglaise n’attaque l’armée de France. Gloucester paiera sa sympathie pour Lear lorsque, après avoir été trahi par son fils illégitime Edmund, le duc de Cornouailles lui crève les yeux. Et alors que le duc de Cornouailles est tué par l’un de ses propres serviteurs, le duc d’Albanie se retourne contre Goneril, qui prévoit d’épouser Edmund à sa place. A Douvres, les anglais remportent la bataille et Lear et Cordelia sont faits prisonniers. Après quoi Goneril et Regan finissent par s’entretuer. Et avant que le duc d’Albanie n’ait pu intervenir en sa faveur, Cordelia est mise à mort. Le roi Lear expire alors de chagrin.
Lear correspond également au personnage de Llyr dans les Mabinogion.
Source(s):
King Lear, William Shakespeare, Harper Collins Publishers, 2011, ISBN 10 : 0007902336 ISBN 13 : 9780007902330
Théodore Hersart de La Villemarqué :
- Barzaz Breiz (édition 1846)
Le Barzaz Breiz est une mise à l’écrit d’un ensemble de chants bretons perpétués par une tradition orale. Pour le constituer l’auteur, La Villemarqué, a parcouru la Bretagne continentale pendant des années, recueillant les témoignages d’une multitude d’interlocuteurs. D'après lui, le manque de culture des gens interrogés suppose qu’ils n’ont pas pu inventer des événements avec autant de précision historique que ce que décrivent ces chants, et que la composition de ceux-ci remonte donc à la date des faits relatés. Le Barzaz Breiz construit une idée d’identité nationale bretonne, depuis les premiers druides bretons jusqu'à l’époque de l’auteur.
L’un des premiers chants est un poème du druide Gwenc’hlan, qui prédit la mort violente du prince qui l’a enfermé dans un cachot après lui avoir crevé les yeux. Gwenc’hlan correspond d’après l’auteur au personnage de Kian (Cian) mentionné par Nennius comme poète breton dans l’Histoire des Bretons. Suivent la légende de la submersion de la ville d’Is par la faute de Dahut, la fille du roi Gradlon, puis un chant guerrier, la Marche d’Arthur, ainsi que deux courts poèmes sur Merlin, présenté ici comme un barde. La légende de Morvan, dit "Lez-Breiz", dans la suite du recueil, présente des similitudes frappantes avec les contes de Perceval de Chrétien de Troyes et de Peredur, notamment en début de récit où Lez-Breiz prend un chevalier pour un ange, alors que celui-ci passe dans un bois près de chez sa mère. La Villemarqué estime d’ailleurs que l’histoire de Lez-Breiz a été plagiée pour donner lieux à ces deux romans. De même, un chant du Barzaz Breiz nommé Le rossignol aurait d’après lui été plagié par Marie de France lorsqu’elle a écrit Le Laüstic. D’autres poèmes du recueil, tels que Le tribut de Noménoë opposant un roi breton aux Francs qui lui réclament de l’argent, servent de substrat au nationalisme breton très prononcé de La Villemarqué. Ainsi Bertrand du Guesclin, noble breton devenu connétable de France, est à la fois loué pour ses prouesses militaires dans les textes du recueil qui lui sont dédiés, et critiqué pour son allégeance au Royaume de France. Les derniers éléments du Barzaz Breiz sont des chants d’amour bretons au caractère souvent très triste, ainsi que des chants religieux avec notamment la légende de Saint Ronan venu d’Irlande pour évangéliser la Cornouaille, et celle de Saint Efflam.
Source(s):
Barzaz Breiz 1846, Theodore Hersart de La Villemarqué, Createspace, 2015, ISBN 10 : 151162860X ISBN 13 : 9781511628600
Statue de Saint Ronan à la Vallée des Saints, en Bretagne continentale
Auteur anonyme :
- The story of Jack and the giants (1851)
Dans ce comte populaire anglais, Jack, jeune fils de paysan de Land’s End, en Cornouailles, décide de mettre un terme à la terreur que sème le géant Cormorant sur et aux alentours du Mont-Saint-Michel de Cornouailles. Usant de ruse, il parvient à le faire tomber dans un trou avant de le tuer. Il est alors reconnu comme un tueur de géants. Peu après, il tue également le géant Blunderbore, venu venger Cormorant. Puis, entrant au Pays de Galles, il est accueilli chez un géant à deux têtes qui lui offre l’hospitalité. Pressentant que ce géant est un traître, il place une bûche dans son lit, que le géant vient en effet rouer de coups en pleine nuit, pensant ainsi avoir tué Jack. Mais celui-ci le tuera le lendemain. Jack rencontre alors le fils du roi Arthur, avec qui il fera route jusque chez son cousin, un géant à trois têtes, qui, de par sa naïveté, lui offrira en l’échange d’aucun service, un bonnet de connaissance, des chaussures de célérité, une cape d’invisibilité et une épée. Après cet épisode, Jack est adoubé par le roi Arthur et rejoint les chevaliers de la Table Ronde. Plus tard, il se rend dans un château où le géant Galligantus et un magicien retiennent de nombreuses personnes prisonnières après les avoir changées en animaux. Parmi ces personnes, la fille d’un duc a été transformée en biche. Grâce à sa cape, Jack évite les deux griffons qui gardent l’entrée et débarrasse le château du géant et du magicien. Après quoi il épouse la fille du duc.
Source(s):
The story of Jack and the giants, Edward Dalziel, George Dalziel, Richard Doyle, Cundall & Addey, 1851,
https://archive.org/details/storyofjackthegi00dalziala
Le puits du géant au Mont-Saint-Michel de Cornouailles
Anatole Le Braz :
- La légende de la mort (1893-1902)
La légende de la mort est un recueil de nombreux textes issus du folklore breton et traitant du sujet de la mort en général, et des légendes bretonnes qui lui sont associées. L’Ankou, "l’ouvrier de la mort", est notamment décrit tantôt comme un grand homme maigre aux cheveux longs et blancs, tantôt comme un squelette drapé d’un linceul, et qui, mené par une charrette brillante, vient dans les foyers chercher les gens dont l’heure a sonné. Il est en général très mauvais signe de faire la rencontre de l’Ankou par hasard… Certains textes font mention d’apparitions du Diable, du retour sur terre des fantômes de personnes décédées, ou encore de malédictions qui peuvent être jetées sur les vivants lors de leurs rencontres avec les morts. Certains vivants apprennent à leurs dépens qu’il ne vaut mieux pas dépouiller les morts de leurs effets personnels. Un texte plus conséquent que la plupart des autres relate l’histoire de la vie du marin Jean Carré, qui parvient à se venger de son assassin grâce à l’aide d’un mort dont il a jadis sauvé l’âme en lui offrant une sépulture.
Certains textes mentionnent également la ville engloutie d’Is, de son roi Grallon (Gradlon), père de la sirène Ahès (Dahut) dont on peut encore entendre le chant par nuit calme dans les rochers de Saint-Gildas. Depuis son engloutissement, la ville serait restée dans l’état dans lequel elle était au moment de la submersion : ses habitants continuent de faire les mêmes activités jusqu’à la résurrection annoncée de la ville, dont les cloches tintent toujours au large de temps en temps.
Source(s):
La légende de la mort, Anatole Le Braz, Pierre Belfond, 1966
A.G. Prys-Jones :
- Gerald of Wales (1955), réécriture commentée des textes de Giraud de Barri (Gerald of Wales) Itinerarium Cambriae (1191) et Descriptio Cambriae (1194)
Itinerarium Cambriae
Descendant de Gerald de Windsor et de la magnifique princesse Nest, Giraud de Barri est un aristocrate d’origine normande né au château de Manorbier au Pays de Galles. Il est également fier d’avoir des liens de parenté avec des sommités galloises de son époque, par exemple le seigneur Rhys ap Gruffydd. Malgré sa forte volonté de rendre l’Église galloise indépendante de Canterbury, Giraud entretient de bonnes relations avec le roi Henri II Plantagenêt. C’est pourquoi celui-ci propose à Giraud d’accompagner l’archevêque de Canterbury, Baudouin de Forde, lors d’une campagne de recrutement au Pays de Galles pour un nouveau départ en croisade. Le rôle de Giraud est alors d’une part celui de traduire les prêches de Baudouin et d’autre part d’apaiser par sa présence les tensions éventuelles qui peuvent régner entre gallois et anglo-normands à cette époque. C’est à l’issue de cette expédition que Giraud rédigera son ouvrage Itinerarium Cambriae. Giraud, friand de commérages et de légendes locales auxquelles il semble accorder beaucoup de crédit, ponctue la description de son "voyage" de nombreuses anecdotes liées aux lieux qu’il a traversés. Ainsi, il n’hésite pas à évoquer les prophéties de Merlin et la réalisation de certaines d’entre elles, comme l’invasion du Pays de Galles par un roi au visage marqué de tâches de rousseur, c’est-à-dire Henri II. Il mentionne aussi la colline boisée de Dinas Emrys où Merlin aurait "annoncé ses prophéties" au roi breton Vortigern. Il raconte l’aventure du jeune Elidyr, qui découvrit un merveilleux "Pays des Fées", guidé par deux petits êtres alors qu’il se cachait un jour au bord d’une rivière, avant d’en être chassé pour avoir tenté de leur ravir des richesses sur ordre de sa mère. Il mentionne aussi l’histoire d’un homme malade qui fut intégralement dévoré par une légion de crapauds, malgré les efforts de son entourage pour les chasser. Puis, de passage à Carmarthen, Giraud décrit cette ville comme le lieu de naissance de Merlin. Et plus tard, alors qu’il arrive à Llandewi Brefi, il rappelle que ce lieu est celui où Saint David fit s’élever une colline pour que les gens venus l’écouter prêcher puissent l’entendre plus facilement (cf. La vie de Saint David de Rhigyfarch de Llanbadarn). Regorgeant de nombreuses autres péripéties, le récit de Giraud de Barri s’achève alors qu’il est de retour à Hereford avec Baudoin et toute la troupe qui les accompagne.
Descriptio Cambriae
Dans cet ouvrage Giraud de Barri décrit essentiellement les coutumes des habitants du Pays de Galles au XIIe siècle. D’une manière générale il les admire profondément. Il les décrit très accueillants, notamment avec les visiteurs de passage, à qui ils proposent volontiers le gîte et le couvert. Ils ont par exemple pour habitude de couvrir le sol de gazon chez eux, et de proposer à leurs hôtes de grands lits communs à proximité d’une cheminée pour que chacun puisse bénéficier d’un confort maximal. La description des réceptions des chevaliers en déplacement dans les contes et légendes de la Matière de Bretagne semble largement calquée sur ce modèle. Par souci d’honnêteté intellectuelle, Giraud mentionne également les mauvais traits de caractère des Gallois. Il explique par exemple qu’ils n’hésitent pas à déplacer les repères qui délimitent leurs propriétés lorsque leurs voisins ont le dos tourné. Giraud explique qu’à cette époque les Gallois avaient un mode de vie semi-nomade, vivant dans des habitations précaires qu’ils reconstruisaient régulièrement au rythme des saisons. Les villes étaient alors essentiellement peuplées de Normands, d’Anglais et d’immigrés Flamands. Très spécialisés dans le domaine agricole et l’élevage de moutons, les Gallois interrompaient leur travail seulement pour se préparer physiquement à la guerre. Ils partaient ainsi régulièrement s’entraîner lors de longues marches qui leur permettaient également de connaître par cœur leur terrain face à l’ennemi. Ainsi, les Gallois constituent d’après lui un peuple très courageux, qui pousse d’impressionnants cris de guerre lors des assauts. Ils sont toutefois plus spécialisés dans l’escarmouche, notamment de nuit et en armures légères, que dans les combats directs à l’arme lourde. Giraud leur reproche par contre leur manque d’unité, qui les rend plus vulnérables face à l’ennemi.
Source(s):
Gerald Of Wales - His “Itinerary” through Wales and his “Description” of the country and its people, A.G.Prys-Jones, George G.Harrap, 1955, ASIN: B000YYGFBK
Charles Guyot :
- La légende de la ville d’Is d’après les anciens textes (1977)
Le récit débute par la narration d’une excursion du roi Gradlon de Cornouailles dans les pays du Nord. Abandonné par ses hommes lors d’un siège, à l’arrivée de l’hiver, il décide de rester seul pour tenter de trouver de trouver une faille dans le bourg assiégé. Il fait alors la rencontre de Malgven, une femme qui l’aide à tuer son mari, le seigneur des lieux. Malgven s’enfuit ensuite avec Gradlon pour une longue traversée, mais meurt en couches sur la mer, mettant au monde Dahut. Plus tard à Quimper, alors que Dahut a grandi, Gradlon se laisse aller au chagrin et à l’inaction, délaissant presque tout son pouvoir à sa fille.
Il est tout de même sollicité lorsqu’une femme accuse l’ermite Ronan d’être responsable de la disparition de son enfant. Ronan parvient à prouver son innocence et annonce que l’enfant, mort désormais, se trouve chez sa mère qui l’avait caché, fait qui est rapidement vérifié. Ronan est alors gracié et suscite une grande admiration auprès des bretons lorsqu’il demande que la femme soit également libérée, et qu'il ressuscite l’enfant.
Plus tard, lors d’une partie de chasse, Gradlon et ses hommes s’arrêtent à l’ermitage de Corentin, un homme très pieux qui créé des miracles devant eux, parvenant notamment à les nourrir tous de la chair d’un unique petit poisson qui retourne ensuite intact dans sa fontaine. Emerveillé, Gradlon lui offre l’évêché de Quimper et part fonder la ville d’Ys au bord de la mer, à la demande de Dahut.
Peu après Dahut, qui règne presque pleinement sur Ys, se rend un jour sur l’Île de Sein, pour y faire appel aux Sènes et aux korrigans pour s’y faire bâtir un palais majestueux ainsi que des portes de bronze et un bassin pour protéger la ville des marées. Elle confie les clefs d’argent de ces portes à Gradlon, qui les garde autour du cou. Riches et opulents, les gens de la ville prennent alors de mauvaises mœurs, cédant au vice, tandis que Dahut mène une vie de plaisirs et de fêtes. Elle prend alors l’habitude de faire monter discrètement des hommes dans sa chambre, qu’elle force à porter un masque magique. Après une nuit d’amour avec eux, elle les rejette et le masque les étouffe. Un mystérieux homme en noir vient ensuite récupérer les dépouilles et s’en débarrasse dans le "gouffre de Plogoff". Averti par Dieu lui-même, le saint homme Guénolé, fils de Fracan, abbé de Landevennec, se rend à Ys et, constatant l’abandon des églises de la ville et le train de vie des habitants, avertit ces derniers qu’un châtiment divin les attend s’ils ne se repentent pas. Mais, considéré comme un trouble-fête, il est chassé de la ville.
Plus tard arrive à Ys un étranger, à la barbe et la chevelure rousse comme le feu, qui ne donnera jamais son nom. Dahut est séduite par cet homme, véritable incarnation du Diable, qui l’incitera à la perversion, l’invitant à demander à ce que ses prétendants se battent à mort pour elle, et provoquant une guerre entre Gradlon et un roi voisin. Kébius, un noble chevalier d’Ys, et ses deux fils Hoel et Rivelin, tentent de s’opposer à lui, mais il les tue tous les trois. Le soir même, l’Étranger fait apparaître les trois défunts dans un bal, rythmé par la cornemuse du nain qui l’accompagne, sous les yeux horrifiés des gens de la cour qui se trouvent forcés de danser avec eux avant de disparaître pour toujours. L’étranger profite de la faiblesse de Dahut, rongée d’amour pour lui, lui demandant de récupérer les clefs des portes de bronze au cou de Gradlon alors endormi. Les portes retenant la marée sont ouvertes, la ville est engloutie sous les flots. Guénolé apparaît à Gradlon, l’invitant à partir au plus vite sur son cheval Morvak. Gradlon parvient à prendre Dahut en croupe mais Guénolé la repousse dans les flots. Gradlon est alors le seul survivant de la submersion de la ville d’Ys.
Source(s):
La légende de la ville d'Ys, Charles Guyot, Flammarion, 1996, ISBN 10 : 208164181X / ISBN 13 : 9782081641815
Vitrail de l’église St Germain de Kerlaz, en Bretagne continentale,
représentant Guénolé sauvant Gradlon, et repoussant Dahut, lors de la submersion d’Ys